Poétique et politique de la « faction »

- Richard J. GOLSAN -


Vu de l’étranger – et comme la culture, la société et la politique en témoignent largement – il existe aujourd'hui en France deux attitudes prédominantes et fondamentalement différentes à l’égard de l’Histoire. D’un côté, on veut la circonscrire, la figer, en lui imposant des interprétations globales et simplistes dans le but d’en criminaliser les actes et les pratiques spécifiques – et cela en vue des intérêts politiques du présent. En témoignent – du moins selon ses détracteurs[1] – les lois dites « mémorielles », surtout celles qui datent de la dernière décennie. Comme on sait, ces lois concernent la traite de l’esclavage depuis le XVe siècle, les bienfaits supposés du colonialisme, et le génocide arménien. Dans tous les cas, c’est la loi, formulée par des législateurs sous l’influence de certains groupes ethniques, qui écrit l’Histoire et, sous menace de peines imposées – amendes ou incarcération – interdit des interprétations divergentes, même si ces dernières sont plus nuancées ou plus judicieuses. Selon Pierre Nora et d’autres historiens regroupés autour du mouvement « Liberté pour l’Histoire[2] », ces lois empêchent le travail libre et scientifique de l’historien tout en discréditant son rôle et sa fonction. Dans l’avenir, donc, on pourra s’attendre selon Nora à une « Soviétisation de l’Histoire» où chaque groupe, chaque lobby et chaque idéologie aura le droit d’insister sur sa propre version simpliste du passé, sans prendre en compte les autres perspectives ou pire, sans s'attacher aux réalités historiques.

autre part, si les lois mémorielles préconisent une simplification dangereuse du passé et de l’Histoire, une certaine tendance littéraire qui se manifeste surtout dans des romans récents va dans un sens différent. Tout en traitant, comme les lois mémorielles, des moments et des événements les plus traumatisants du passé, ces romans offrent des visions bien plus riches, plus complexes, et surtout plus intimes et personnelles de l’Histoire. Contrairement au roman historique traditionnel qui garde ses distances avec le passé, ces romans s’y engagent directement. Ils portent des jugements éthiques sur des événements et des personnes historiques et insistent aussi, parfois, sur des comparaisons provocatrices entre le moment du passé dont il est question et l’actualité, le monde contemporain. On peut dire alors que ces romans constituent en quelque sorte des irruptions troublantes du passé dans le présent. Aussi, dans leur zèle à représenter et à juger l’Histoire, ces fictions se permettent à l’occasion de la réécrire, de la modifier, et même de la falsifier.

Pour toutes ces raisons, ces « nouveaux romans engagés » suscitent beaucoup d’intérêt et se prêtent aussi parfois à des controverses acharnées, amères, et de longue durée. Cette dernière qualification s’applique surtout à deux romans bien connus : Les Bienveillantes de l’Américain Jonathan Littell, publié en 2006, et Jan Karski de Yannick Haenel, publié trois ans plus tard, en 2009[3].

Comme le confirment les réactions fortes et prolongées dans les médias en France et à l’étranger, aussi bien que l’abondance d’essais critiques parfois très partisans écrits par des critiques littéraires, des historiens, des philosophes, et autres, Les Bienveillantes est un texte « scandaleux » pour plusieurs raisons. De toute évidence, l’aspect le plus dérangeant est que le bourreau nazi Maximilien Aue, protagoniste et narrateur du roman, insiste sur son côté « ordinaire » : malgré ses tares et ses crimes il est « comme nous », ses « frères humains » ; l'autre source de controverse tient au fait que, les crimes des Nazis ne se distinguent en rien d’autres crimes commis par d’autres pays, y compris les pays démocratiques, surtout la France et les Etats-Unis. Dans la première partie des Bienveillantes, « Toccata », Aue insiste dans la version originale française du roman sur le parallèle entre les crimes nazis et les crimes français, notamment ceux commis en Algérie. Dans la traduction américaine du roman – « revue et corrigée par l’auteur » – ce sont les atrocités commises par les soldats américains au Viet Nam qui sont comparables aux crimes nazis. Sauf que, ajoute Aue, les Américains au Viet Nam étaient beaucoup plus efficaces dans leurs tueries que leurs prédécesseurs allemands, grâce aux « avancements technologiques[4] ».

Dans Jan Karski de Yannick Haenel, il s’agit moins de comparaisons controversées que de jugements historiques parfois radicaux et même scandaleux, aussi bien que du penchant cher au romancier – au narrateur « fictif » ? – à réviser l’Histoire à sa guise pour juger et condamner de vrais personnages historiques et des nations entières. C’est ainsi que selon le narrateur éponyme de Jan Karski, les Alliés sont les complices des Nazis parce que « ceux qui refusent d’entendre le mal deviennent des complices du mal [5] »; que les procès de Nuremberg ne sont que le « masquage » de la responsabilité alliée dans la barbarie ; et que c’est « heureusement[6] » pour les Américains et les Anglais qu’Hitler a exterminé les Juifs au lieu de les expulser. Autrement, les Alliés, qui voulaient eux aussi se débarrasser des Juifs d’une manière ou d’une autre, les auraient eus sur les bras. Quant au révisionnisme, aux fabrications historiques, dans Jan Karski Franklin D. Roosevelt devient «  un homme qui digère […] l’extermination des Juifs d’Europe[7] » et qui préfère toiser les jambes de sa secrétaire plutôt qu’écouter Karski en train de décrire ce crime. En réalité, cette secrétaire évoquée par le romancier n’était pas présente pendant l’échange entre les deux hommes parce que de toute évidence, elle n’existait pas. Et cette fabrication historique pour le moins problématique n’est pas la seule dans le roman de Haenel.

Même si ces remarques énumèrent quelques-uns des aspects les plus controversés des deux romans en question, elles n’épuisent ni l’originalité des deux textes ni celle du phénomène littéraire dont ils sont à mon sens représentatifs. Quelles sont les caractéristiques les plus importantes, les plus typiques et révélatrices de ces romans qui s’engagent rétrospectivement et très personnellement dans l’Histoire? Comment les appeler, et comment les distinguer des « romans engagés » traditionnels ? D’où vient leur inspiration artistique, historique, et même politique ? Y a-t-il, à part les œuvres de Littell et d’Haenel, d’autres romans également représentatifs du phénomène ? Est-ce un phénomène exclusivement français, ou plutôt européen et même mondial ? Est-il possible d’élaborer une généalogie et une poétique provisoire qui s’appliqueraient à toutes ces œuvres, tout en identifiant leurs ressorts politiques ou idéologiques ?

Ces questions ne sont pas sans intérêt, ni du point de vue de l’histoire littéraire ni du point de vue de l’Histoire elle-même. C’est ce dont témoignent de nombreux articles et essais critiques récents, comme des numéros spéciaux de revues importantes comme Le Débat, Critique et Esprit, qui ont été entièrement, ou en partie, consacrés au sujet[8]. Le titre du numéro du Débat, « L’histoire saisie par la fiction » insiste sur la portée aussi bien que sur l’ambition de ce phénomène littéraire, tandis que le titre de la partie de Critique consacrée au phénomène, « Historiens et romanciers. Vies réelles, vies rêvées » rapproche métiers et vocations aussi bien que réalité et fiction.

Comment désigner ces textes de façon appropriée ? Dans le numéro du Débat, l'article de l’historien britannique Anthony Beevor, « La fiction et les faits : Périls de la "faction" », met l’accent sur l’un des aspects fondamentaux de ces textes tout en proposant un titre qui en évoque aussi un autre. En anglais – dans le premier sens entendu par Beevor – « faction » est un jeu de mots qui juxtapose le mot « fiction » et le mot « fact » – « fait » en français. La juxtaposition suggère d’abord l’hybridité des textes concernés, aussi bien que la difficulté sinon l’impossibilité de séparer les catégories  évoquées. Mais aussi – et comme en français – le mot « faction » implique ou confirme un parti pris, un groupe, un mouvement ou une cabale politique qui se définit et se constitue par opposition à un autre groupe, une autre faction. Or, comme on l’a déjà remarqué, une des caractéristiques de ces textes, est justement de prendre parti dans le passé historique et de porter un jugement moral ou « éthique » parfois très sévère sur des événements ou des personnages historiques et réels[9].

Il faut noter que pour Anthony Beevor la « faction » n’est pas une catégorie exclusivement littéraire qui s’appliquerait seulement à des romans contemporains, ni un phénomène exclusivement français. Loin de là. Comme autres exemples de « faction », Beevor fait mention de deux grands films hollywoodiens récents de Stephen Spielberg, La Liste de Schindler (1993) et Il faut sauver le soldat Ryan (1998). Tous les deux sont fondés en principe sur des faits réels, mais ils promulguent en même temps des visions essentiellement fausses de l’Histoire, car partielles. De pires distorsions de l’Histoire se manifestent aussi dans d’autres contextes fictionnels, par exemple dans des programmes de télévision. Beevor se réfère à une série de télévision anglaise, Cambridge Spies qui met en scène des personnages historiques comme Kim Philby ou encore Winston Churchill. Mais elle se permet aussi de jouer avec la réalité d’une manière dangereusement révisionniste en insistant, par exemple, sur le fait qu’en 1941 Churchill n’ait pas prévenu Staline de l’invasion imminente de l’Union Soviétique alors qu'il en était au courant. En réalité, Churchill a bel et bien prévenu Staline maintes fois, mais ce dernier refusait d’y croire.

Quant aux romans qu’on pourrait qualifier de « factions », Beevor cite en premier lieu Les Bienveillantes de Littell, tout en faisant l’éloge de l’exactitude historique et psychologique du roman. Dans la littérature contemporaine anglaise, Beevor fait mention de deux romans de Helen Dunmore, The Siege et The Betrayal[10], traitant de l’histoire soviétique jusqu’à la mort de Staline. Pour Beevor, ces romans, ces « factions », ne posent pas de problème parce que, dit-il, la romancière, tout en mélangeant personnages fictifs et personnages historiques ne trahit pas ces derniers en leur attribuant des paroles qu’ils n'auraient jamais dites. Selon Dunmore – citée avec approbation par Beevor – les romanciers s’aventurent en « territoire dangereux » quand ils « fictionnalisent[11]» les personnages historiques de cette manière-là. Il est à noter que par contraste avec Dunmore, ni Littell ni Haenel ne se soucient de faire parler comme ils l'entendent les personnages historiques dans leur roman.

Pour Beevor, la « faction » n’est bien sûr pas l’atout exclusif du roman « sérieux » aux prétentions hautement littéraires. Bien au contraire. Il y a aussi des romans populaires comme le Da Vinci Code de l’auteur américain Dan Brown[12]. Mais dans le cas du roman de Brown, le danger n’est pas simplement quelques paroles douteuses attribuées à des personnages historiques. Le Da Vinci Code est un bel exemple de ce que Beevor le « contre-savoir[13] » et d’une branche principale de celui-ci, la « pseudo-histoire[14] ». En tant que pratique, la « pseudo-histoire » consiste à créer une théorie et à piocher ensuite des éléments qui la corroborent tout en feignant d’ignorer ou en écartant tous les faits qui contredisent la thèse. De cette manière-là, on fait croire à des lecteurs crédules ou ignorants une version dangereusement fausse du passé[15].

Après avoir fait le bilan de la « faction » en littérature, au cinéma et à la télévision, Beevor énumère les conditions culturelles, sociales, et même psychologiques qui favorisent leur production et, dans certains cas, leur énorme succès populaire. L’historien anglais fait aussi remarquer une autre dimension du phénomène, qui est que la grande majorité de ces œuvres ont comme sujet ou comme arrière – plan la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi ce conflit s'érige-t-il au-dessus de tous les autres ? Dans un autre article publié dans ce numéro du Débat, Laurent Binet, auteur de HHhH[16], constate que ce choix est tout à fait naturel et logique, puisque la Seconde Guerre mondiale est selon lui notre « "Guerre de Troie" moderne, une source inépuisable d’aventures, de tragédies, d’histoires d’amour, et même parfois de comédies[17]». Mais, pour Beevor, la raison principale du choix de la Seconde Guerre mondiale comme matière de « faction » par des romanciers, par des cinéastes, est tout autre. D’abord il y a la fascination du Mal absolu de l’Holocauste, de la Shoah. Mais il y a aussi selon Beevor le fait que nous vivons essentiellement dans une « société post-militaire, dans un milieu sain et sauf où risques personnels et décisions morales n’ont quasiment plus de place. Ceux qui ont grandi dans ce nouvel âge civil sont donc taraudés par des questions personnelles : comment aurais-je fait face ? Aurais-je survécu ? Et même, aurais-je abattu ou brutalisé des civils et des prisonniers ?[18]».

Aux yeux de Beevor, cette fascination existentielle pour la Seconde Guerre Mondiale de la part des auteurs et des lecteurs rejoint l’une des explications possibles de la montée extraordinaire de la « faction » dans le monde contemporain : un « besoin désespéré d’authenticité, jusque dans les œuvres de fiction[19]. » Mais il y a d’autres explications du phénomène moins profondes, plus superficielles. Il y a aussi « l’irrésistible démangeaison de combler les lacunes de nos connaissances des grands personnages, que l’histoire n’a su retrouver[20]», ce qui représente en effet un désir de se divertir tout en apprenant quelque chose. Il y a aussi une abondance d’auteurs qui, souffrant d’un « déficit d’imagination » ne font que puiser dans l’Histoire récente pour trouver leurs sujets. Il y a enfin le simple effet de marketing qui met ces œuvres devant le grand public, un public crédule parce que « post-lettrée[21] » et souffrant d’une méconnaissance profonde de l’Histoire. « Étant donné ces conditions, conclut Beevor, un champ quasi-illimité s’ouvre à la sottise[22]. »

Pour revenir au contexte français, il est clair que le jugement essentiellement négatif porté par l’historien britannique sur les œuvres dites « de faction » et les conditions culturelles qui favorisent leurs succès est partagé par des critiques français traitant du même phénomène en France. Par exemple, à la suite de « l’affaire Karski » et du débat autour du roman de Yannick Haenel – débat dans lequel il a joué un rôle principal – , Claude Lanzmann a publié un commentaire sur l’affaire dans Les Temps Modernes[23] . Il s'y exprime sur des romanciers d’aujourd’hui qui se sont inspirés des désastres du siècle dernier en écrivant leurs fictions :

Les jeunes écrivains du XXIe siècle sont à plaindre : ils vivent dans ces temps obscurs, sans repères ni attentes, sans futur déchiffrable, sans rien qui puisse susciter confiance, enthousiasme, engagement total. Les utopies sont mortes, c’est la fin de l’Histoire. Ne s’y résignant pas, ils rebroussent chemin et se jettent voracement sur le siècle précédent, si proche et pourtant si lointain. S’éprouvant coupables de n’avoir souffert de rien—manque intolérable—ils réactivent et rejouent un passé auquel ils n’ont aucune part, transformant en trouvailles tonitruantes ce qui était su et rabâché depuis bien longtemps. 

Et, se référant de toute évidence au roman de Yannick Haenel en particulier, Lanzmann ajoute :

Six million de Juifs sont morts qu’on aurait pu sauver est le plus récent des scoops. Mais au contraire de ce que dit Racine dans la préface de Bajazet : "Le respect croît avec l’éloignement" la distance leur autorise, croient-ils, toutes les désinvoltures et les pires distorsions, au nom d’un moralisme larmoyant et rétrospectif[24]

Dans son livre récent, Séduction du bourreau, Charlotte Lacoste porte un jugement aussi sévère que celui de Lanzmann sur ces œuvres de « faction » à la française ; sa cible principale n’est pas Jan Karski mais Les Bienveillantes. Et le moralisme rétrospectif du romancier Littell qu’elle détecte dans ce mélange extraordinaire d’histoire et de fiction n’est rien moins que la réhabilitation du bourreau. Cette réhabilitation se manifeste surtout dans le roman à travers l’insistance de Max Aue à dire qu’il est « notre frère», il est comme nous. Mais l’effort d’Aue de se racheter en niant la distinction entre « hommes ordinaires[25] » et bourreaux – une distinction rejetée aussi par des historiens renommés, Christopher Browning en premier[26] – n’est pas un phénomène isolé dans la culture française. D’après Lacoste, il se manifeste aussi dans la « revalorisation des penseurs nazis en philosophie, et la bienveillance croissante de la République française à l’égard des criminels contre l’humanité dans le domaine politique[27]» – Paul Aussaresses, en l’occurrence. Et tout cela, selon Lacoste, avec la complicité d’un « réseau d’intellectuels diversement intentionnés, […] et d’une certaine critique qui se croit finement transgressive quand elle encourage ce genre d’entreprises, alors qu’elle ne fait que hurler avec les loups[28] ». Ici, de toute évidence, Lacoste ne fait que seconder la mise en accusation de la réception critique trop adulatrice des Bienveillantes énoncée quelques années plus tôt par l’historien Edouard Husson et le philosophe Michel Tereschenko dans leur essai polémique Les Complaisantes[29].

Qu’est-ce qui explique cette mode du bourreau ? Las de mémoires, de romans, et d’autres œuvres racontant l’expérience horrible mais répétitive et par nature limitée des victimes, et cherchant de nouvelles « sensations fortes[30] », les gens d’aujourd’hui , les lecteurs avides, se jettent sur ces mémoires réels ou fictifs des bourreaux, dont les expériences « complètent » l’Histoire, la rendant plus riche et profonde en étalant sa partie dorénavant supprimée, taboue. On peut s’imaginer en bourreau, sans vraiment l’être. Ceci est tout au moins l’explication offerte par Lacoste, et la fascination malsaine dont elle parle est donc à la fois psychologique et « historique ». Elle rappelle par ailleurs certains aspects troublants de la « mode rétro » des années soixante-dix, sauf que celle-ci était liée à un profond changement de perspective de générations et aussi, à en croire Henry Rousso, à une rupture profonde en France dans la mémoire collective de la Seconde Guerre Mondiale et de Vichy. Il reste à voir si la « mode du bourreau » marque aujourd'hui une transition aussi profonde dans la mémoire collective française.

Plus encore que l’analyse de la « faction » proposée par Anthony Beevor dans un contexte essentiellement anglo-américain, les analyses de ce phénomène en France telles qu’elles sont élaborées par Claude Lanzmann et Charlotte Lacoste sont fortement liées à des jugements généraux et très négatifs de la culture contemporaine à tel point qu’on est en droit de se demander si ces jugements ne sont pas excessifs, dépassant de loin la portée et la signification des objets qui les inspirent. En effet, n’y a-t-il pas d’autres considérations, d’autres explications moins globalisantes du phénomène qui seraient elles aussi légitimes et raisonnables? Par ailleurs, étant donné la popularité de la faction, de ces romans récents qui « saisissent l’Histoire », n’y a-t-il pas des engagements littéraires plus positifs, plus bénéfiques que ceux proposés par Littell et Haenel? Ne pourrait-on pas citer des œuvres de « faction » où le narrateur ou le protagoniste – presque toujours le même personnage dans ces textes – profite d’une manière psychologique, existentielle ou même éthique de son contact avec le passé ? En d’autres termes, malgré son contenu destructeur et traumatisant, l’expérience tragique et personnelle de l’Histoire n’est-elle pas capable aussi d’effectuer des catharsis individuelles, ou d’inspirer des engagements positifs dans le présent? Pour employer le vocabulaire de la critique franco-américaine, Mireille Rosello, le récit du traumatisme n’est-il pas capable de « réparer[31] »  autant que de désespérer ou détruire?

Nous pouvons répondre à notre première question en nous référant à Antoine Compagnon pour qui, dans ce même numéro du Débat, la crise dans la fiction contemporaine – et la tentation de la « faction » – est moins attribuable à un problème social ou culturel généralisé qu’à la crise actuelle des disciplines, surtout dans les universités françaises. À l'instar du chercheur qui travaille sans repères – garde-fous ? – disciplinaires, l’écrivain, le romancier actuel ne serait plus limité ni par les restrictions traditionnelles de genres ni par la distinction maintenant désuète entre la fiction et l’histoire. Tout lui serait désormais permis. Pour Compagnon l’enjeu principal du romancier n’est donc pas tant le choix du sujet historique que la manière dont cet auteur décide de traiter l’événement et les personnages historiques en question. Ainsi il y a bien sûr des conséquences potentiellement néfastes sur le plan moral, culturel et historique quand on décide de réviser ou de falsifier un traumatisme historique récent—la Shoah, par exemple. Dans cette perspective, la responsabilité des œuvres de « faction » les plus scandaleuses incombe moins à une critique ou un public par trop crédule ou accueillant qu’à l’écrivain lui-même[32].

Avant d’aborder la seconde question sur la possibilité d’un engagement profondément positif ou bénéfique dans la « faction », il faut noter que même dans le cas des Bienveillantes et Jan Karski, il y a des aspects positifs liés à cet engagement, sinon pour le protagoniste, du moins pour le lecteur ou le romancier lui-même. Dans une interview avec Littell qui date de 2007, Pierre Nora a insisté sur la valeur pédagogique et même historique de son roman pour le lecteur français. Ce dernier, selon Nora, a l’habitude depuis très longtemps de voir et de comprendre la Seconde Guerre Mondiale et la Shoah à travers l’optique déformante de Vichy[33]. Ainsi, lire Les Bienveillantes, c’est comprendre, apprécier viscéralement le fait que le vrai centre de gravité de la guerre, là où les jeux ont été faits, là où l’horreur battait son plein, était à l’est. Et dans les polémiques autour de Jan Karski, l’auteur du roman a insisté à maintes reprises sur le fait que son roman était conçu non pas comme une machine de guerre contre Roosevelt et les Alliés, comme le prétendaient plusieurs critiques, mais plutôt comme un hommage au résistant polonais extraordinaire et admirable.

Mais insister sur les aspects positifs de l’inspiration ou de la valeur pédagogique des romans controversés de Littell et de Haenel n’est pas atténuer ni même nier la vision profondément pessimiste et même atroce de l’Histoire qui s'en dégage. Pour faire l’expérience des œuvres de « faction » qui mettent en scène le côté cathartique d’un engagement ou qui suggèrent la possibilité qu’un traumatisme historique rappelé ou plutôt revécu au présent puisse servir de prétexte, puisse même inspirer ou véhiculer un engagement positif dans le monde contemporain, il faut se référer à d’autres œuvres, d’autres auteurs.

Quant aux possibilités cathartiques d’un engagement romanesque, deux beaux exemples récents se trouvent dans l’œuvre du romancier espagnol Javier Cercas. Dans le premier exemple, le best-seller international Les Soldats de Salamine[34], le narrateur, qui est le romancier lui-même selon toute évidence, part à la recherche d’un soldat républicain de la guerre d’Espagne, anonyme et disparu depuis longtemps. C’est ce même soldat républicain qui, à la fin de la guerre, a sauvé la vie du poète militant franquiste Rafael Sáchez Mazas et dont ce dernier a parlé plusieurs décennies après la fin des hostilités. Se mêlent dans cette œuvre de « faction » anecdotes et souvenirs personnels du narrateur, interview avec des personnages réels, discussion de la carrière et de la poésie de Sánchez Mazas, souvenirs de l’amitié de l’auteur avec le romancier chilien Roberto Bolaňo, et enfin reconstitution par l’imagination de l’Histoire, de la fin de la guerre et de ses suites. À la fin du roman, le narrateur croit avoir trouvé le soldat républicain anonyme dans une maison de retraite en France. Mais quand ce dernier suggère qu’il n’est pas la personne en question, le narrateur se rend compte que retrouver le vrai personnage historique est beaucoup moins important que de découvrir et d’apprécier en quelque sorte les sacrifices de tous les soldats anonymes de l’Histoire qui ont lutté et sont morts pour une bonne cause, au service de l’humanité elle-même.

Le deuxième roman de Cercas, À la vitesse de la lumière[35], est une histoire d'amitié entre le narrateur, de toute évidence le romancier lui-même – encore un fois –, et Rodney, un ancien combattant américain traumatisé par la guerre du Viet Nam. Sans trop entrer dans le détail de l’intrigue, ici, c’est à travers cette amitié et le destin ultimement tragique de Rodney, que le narrateur apprend à surmonter sa propre crise, causée par la mort de sa femme et de son fils dans un accident de voiture dont il se sent responsable. Mélange impressionnant de détails historiques et autobiographiques, de « reconstitutions » du passé – y compris le crime horrible de Rodney au Viet Nam, qui est, lui, à la fois bourreau et victime –, À la vitesse de la lumière confirme admirablement la capacité de la « faction » d'atteindre le niveau de la tragédie tout en démontrant le pouvoir cathartique du passé sur le présent de l'individu.

Qu’en est-il du roman français ? Existe-t-il des œuvres de « faction » qui démontrent elles aussi le pouvoir cathartique du passé sur des êtres du présent, ou bien encore, des textes où s’impliquer dans l’Histoire et la comprendre mènent à un engagement dans l’actualité, à une prise de position devant les injustices du monde présent ? On pourrait citer deux romans illustrant ces deux tendances différentes, mais positives ou bénéfiques, de la « faction ». Le premier est HHhH, du jeune romancier Laurent Binet. Histoire du chef Nazi Reinhard Heydrich et des partisans tchécoslovaques qui l’ont assassiné en juin 1942, le roman raconte aussi l’obsession qu’éprouve le narrateur – Binet lui-même selon toute vraisemblance – pour cet épisode historique. Sont insérées aussi dans ce roman des descriptions des drames de la vie personnelle et intime de l’auteur, ses hésitations en tant qu'écrivain, à essayer de reconstituer l’Histoire, ce qui s’est vraiment passé, sans fabriquer, sans romancer, bref, sans trahir. Mais comme pour le narrateur des Soldats de Salamine, ce qui inspire le narrateur, et le romancier lui-même, c’est surtout la découverte du courage, du sacrifice des tueurs de Heydrich quasi-anonymes, qui savaient dès le début qu’ils étaient presque certains de mourir en acceptant leur mission. Sans trop exagérer, on pourrait postuler que pour le narrateur de HHhH, la découverte du passé, et même de l’horreur nazie, travaille à une sorte de catharsis en donnant un sens, une source d’inspiration à sa vie. Pour Binet, l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale n’est plus seulement une ressource très riche et inépuisable d’histoires à raconter – une Guerre de Troie moderne – elle devient surtout un lieu de rencontre avec lui-même et avec ce qu’il y a de plus admirable chez les hommes, de tout temps.

Le Village de l’Allemand[36] de Boualem Sansal ne met pas en scène un seul narrateur vraisemblablement inséparable du romancier lui-même. Les deux protagonistes sont deux frères algériens fictifs, immigrés en France, Rachel et Malrich, et le roman consiste en des passages alternés de chacun de leurs journaux. Les hante la découverte du vrai passé de leur père, tué récemment avec leur mère et tout le village dans le contexte de la guerre civile algérienne durant les années 1990. Les frères apprennent avec douleur, que, avant de se marier avec une Algérienne et de s’installer dans un petit village du pays, leur père était un bourreau nazi. À la fin d’un voyage qui suit le parcours du père lorsqu'il était membre des SS et qui les mène à Auschwitz, le frère aîné Rachel n’en peut plus, il « tomb[e] dans un trou noir de l’histoire[37] » comme dit son frère Malrich, et il se suicide. Malrich reste seul, mais même désespéré, il décide de s’engager, même par à-coups, dans une lutte contre l’injustice du présent, qui consiste pour lui à s'opposer à la tyrannie des islamistes de son village dans la banlieue de Paris.

Pourquoi, à mon sens, Le Village de l’Allemand est-il une œuvre de « faction »? Parce que non seulement le roman se fonde sur un fait réel, comme l’a affirmé à plusieurs reprises le romancier lui-même, mais surtout parce que le journal de Rachel constitue une exploration de l’histoire du nazisme et de son rôle après-guerre dans le monde arabe, aussi bien qu’un engagement philosophique et intensément personnel, avec ses conséquences et ses implications, dans le monde actuel. Dans ce sens, Le Village de l’Allemand entretient des similitudes profondes avec Les Bienveillantes de Jonathan Littell, sauf que dans le roman de Sansal l’apprentissage du passé offre des leçons pour améliorer le monde d’aujourd’hui, tandis que le nihilisme profond du narrateur des Bienveillantes exclut toute possibilité d’optimisme, si peu que ce soit.

Il ne serait pas difficile de citer d’autres exemples de « faction » dans la littérature française d’aujourd’hui. Parmi les romans qui mélangent Histoire et fiction – parfois de façon massive –, qui mettent souvent en scène des narrateurs qu’on ne peut distinguer du romancier, qui s’engagent directement dans un passé traumatique – de préférence la Seconde Guerre mondiale –, qui sont capables même aujourd’hui, soit d'anéantir, soit de sauver le narrateur, on pourrait citer L’Origine de la violence de Fabrice Humbert[38], ou, encore plus proche du modèle proposé de la faction, un roman récent de Dan Franck, Les Champs de bataille[39] dans lequel la trahison de Jean Moulin et la culpabilité de René Hardy sont remises en cause.

Mais l’essentiel n’est pas de faire le bilan de tous les romans français ou étrangers qui satisfont les critères de ce que j’ai appelé ici – en suivant Anthony Beevor – la « faction ». Il est plutôt d’essayer d’identifier les prédécesseurs, les sources d’inspiration possibles de ces œuvres dans la littérature française et, finalement, d’offrir quelques conclusions provisoires sur ce que ces textes ont à nous dire sur l’Histoire et son rôle dans la culture contemporaine.

Pour les modèles issus de la littérature étrangère – romans plus ou moins récents qui mélangent Histoire et fiction et où l’Histoire constitue une sorte de traumatisme actuel et présent pour le narrateur – il y a bien sûr des textes classiques bien connus en France. Dans L’Origine de la violence de Fabrice Humbert, le narrateur fait mention du beau roman de William Styron, Le Choix de Sophie[40] ; ce livre met en scène un jeune narrateur-écrivain très proche du romancier lui-même, qui tombe amoureux d’une jeune polonaise, survivante des horreurs nazies, et qui « revit » en quelque sorte ce passé à travers elle.

Quant aux sources proprement françaises, on pourrait penser, par exemple, à La Compagnie des spectres [41] de Lydie Salvayre, dont le personnage central, une vieille femme navigue incessamment, selon sa fille, entre les années noires et un présent hanté par ses spectres. Mais, à mon avis, deux autres romans fournissent de plus beaux exemples de « prototypes » de la « faction » contemporaine : La Douleur de Marguerite Duras[42] qui date de 1985, et Dora Bruder de Patrick Modiano[43], qui, comme La Compagnie des spectres de Salvayre, date de 1997. Mélanges d’Histoire, de fiction et de « mémoires » – et, dans l’œuvre de Modiano, de documents historiques – l'authenticité de l'engagement viscéral et réel dans les deux textes est soulignée et garantie par l’omniprésence du narrateur-romancier – de toute évidence, la même personne – qui vit le passé de la Seconde Guerre mondiale et toutes ses horreurs.

Mais si les précurseurs littéraires des œuvres de faction contemporaines datent des années 1980 et 1990, ne faut-il pas réviser ou même rejeter les spéculations sur l’origine récente de ce phénomène proposées par Anthony Beevor, Claude Lanzmann, Antoine Compagnon ou encore Charlotte Lacoste? Je ne le crois pas, car les facteurs culturels et historiques mis au jour par ces critiques ont sûrement contribué au moins à une accélération du phénomène, et pas seulement en France. Cependant, l’existence d'ouvrages précurseurs comme les romans cités ci-dessus, suggère qu’au moins en France la « faction » est proche et peut-être même inséparable du « syndrome de Vichy » dont parle Henry Rousso[44], cette mémoire nationale et collective qui n’est jamais entièrement dissipée.

Malgré les critiques parfois justifiées à propos des œuvres de « faction » récemment publiées en France ou à l'étranger, deux aspects positifs sont à remarquer, l’un et l'autre corrélés. D’abord, tout en offrant des distorsions historiques parfois bien troublantes, la plupart de ces « factions » enrichissent et compliquent l’Histoire. Les jugements éthiques qu’y porte le romancier la rendent plus paradoxale, plus ambiguë, et donc plus passionnante. Anthony Beevor a bien raison de dire que cela peut ouvrir la porte à la sottise, mais cela peut aussi ouvrir la porte à une compréhension, à une interrogation du passé qui pourrait également être fructueuse.

En ce sens – et c’est peut-être le deuxième aspect positif ou bénéfique de la faction – l’ouverture aux richesses, parfois aux incertitudes du passé, proposée par ces romans sert d’antidote à la tendance implicite ou même explicite des lois mémorielles qui travaillent à simplifier et à figer l'Histoire en la réduisant à ses crimes. Si ces romans, ces factions réussissent à faire revivre l’Histoire, même dans ses dimensions les plus troublantes, alors c’est un « engagement » qui vaut la peine.


NOTES

[1] Voir René Rémond, Quand l’Etat se mêle de l’Histoire, Paris, Stock, 2006, p. 37-54.

[2] Voir leur site web, URL : http://www.lph-asso.fr

[3] Jonathan Littell, Les Bienveillantes, Paris, Gallimard, 2006 ; Yannick Haenel, Jan Karski, Paris, Gallimard, 2009.

[4] Jonathan Littell, The Kindly Ones, New York, Harper, 2009, p.16.

[5] Yannick Haenel, op.cit., p. 129.

[6] Ibid., p.166 et 131.

[7] Ibid., p. 125.

[8] Le Débat, n°165, mai-août 2011, « L'histoire saisie par la fiction » ; Critique, n°767, 2011, « Historiens et romanciers. Vies réelles, vies rêvées » ; Esprit, n°371, janvier 2011, « Que faire de la mémoire des guerres du XX siècle ? 

[9] Il faut noter que dans le contexte américain le terme “faction” dans le sens de réalité « fictionnalisée », date des années 60 et des œuvres de Truman Capote , auteur de In Cold Blood, et de Norman Mailer, auteur de Armies of the Night. Dans le premier cas, il s’agit du récit d’un meurtre brutal dans le Kansas et dans l’autre, de la description des manifestations contre la guerre au Viet Nam devant le Pentagone en 1967. Mais dans les deux cas, la  « réalité » en question est celle du monde contemporain, et non pas de l’Histoire.

[10] Anthony Beevor, « La fiction et le fait. Périls de la faction », Le Débat, op. cit., p. 27.

[11] Idem.

[12] Dan Brown, The Da Vinci Code, New York, Doubleday, 2003.

[13] Anthony Beevor, art. cit., p. 38.

[14] Idem.

[15] Idem.

[16] Laurent Binet, HHhH, Paris, Grasset, 2010.

[17] Laurent Binet, « Le merveilleux réel », Le Débat, op.cit., p.82.

[18] Anthony Beevor, art. cit., p. 30.

[19] Ibid., p. 26.

[20] Idem.

[21] Ibid., p.39.

[22] Idem.

[23] Claude Lanzmann, « Jan Karski de Yannick Haenel : un faux roman », Les Temps Modernes, n° 657, janvier-mars 2010, « Le rapport Karski ».

[24] Ibid., p.1

[25] Pour ces deux expressions voir l'incipit de Jonathan Littell, Les Bienveillantes, op. cit.

[26] Christopher Browning, Ordinary Men, New York, Harper Collins, 1992.

[27] Charlotte Lacoste, Séductions du bourreau, Paris, PUF, p.3.

[28] Ibid., p. 2.

[29] Edouard Husson et Michel Terestchenko, Les Complaisantes : Jonathan Littell et l’écriture du mal, François-Xavier de Guibert, 2007.

[30] Charlotte Lacoste, op. cit., p. 4.

[31] Mireille Rosello, The Reparative in Narrative, Liverpool, Liverpool University Press, 2010.

[32] Antoine Compagnon, « Histoire et littérature, symptôme de la crise des disciplines », Le Débat, art.cit., p. 62-70.

[33] Jonathan Littell et Pierre Nora, « Conversation sur l’histoire et le roman », Le Débat , n°144, mars-avril 2007, p. 36.

[34] Javier Cercas, Soldados de Salamina, Barcelona, Tusquets, 2001.

[35] Javier Cercas, La velocidad de la luz, Barcelona, Tusquets, 2005.

[36] Boualem Sansal, Le Village de l'Allemand ou Le journal des frères Schiller , Paris, Gallimard, 2008.

[37] Ibid., p. 259.

[38] Fabrice Humbert, L'Origine de la violence, Paris, Le Passage, 2009.

[39] Dan Franck, Les Champs de bataille, Paris, Grasset, 2012.

[40] William Styron, Sophie's choice, New York, Random House, 1979.

[41] Lydie Salvayre, La Compagnie des spectres, Paris, Seuil, 1997.

[42] Marguerite Duras, La Douleur, Paris, P.O.L, 1985.

[43] Patrick Modiano, Dora Bruder, Paris, Gallimard, 1997.

[44] Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy : De 1944 à nos jours, Paris, Seuil, coll.« Point-Histoire », 1990.


POUR CITER CET ARTICLE

Richard J. Golsan, « Poétique et politique de la "faction" », Les Cahiers du Ceracc, nº 7, 2014 [en ligne]. URL : http://www.cahiers-ceracc.fr/golsan2.html [Site consulté le DATE].

Qu’est-ce que la « faction » ? Pourquoi inspire-t-elle, aujourd’hui, tant de (jeunes) écrivains en France et ailleurs ? Pourquoi les œuvres de « faction » - parmi lesquelles Les Bienveillantes de Jonathan Littell et Jan Karski de Yannick Haenel - provoquent-elles tant de controverses, non seulement au sein de l’université mais également parmi le grand public ? En tant que textes littéraires, quels attributs esthétiques ces œuvres partagent-elles ? Cet article offre des tentatives de réponses à ces questions.

Richard J. Golsan est distinguished professor et directeur du Glasscock Center for Humanities Research à la Texas A&M University. Il est l’auteur de Vichy’s Afterlife : History and Counterhistory in Post-War France (2000), René Girard and Myth (2000), et French Writers and the Politics of Complicity (2007). Il dirige le South Central Review depuis 1994.











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