« L’antichambre de la cellule patibulaire » : imaginaire de l'enfermement dans les reportages de Pierre Mac Orlan

- Zacharie SIGNOLESƒ -


Les reportages de l’entre-deux-guerres font de l’exploration des marges de la société un passage obligé, s'inscrivant dans une tradition naturaliste qu'actualise la plupart des reporters, comme Albert Londres. Les écrits journalistiques de Pierre Mac Orlan, s'ils sont moins bien connus encore que ses romans, rendent compte de cet intérêt grandissant pour les lieux d'enfermement, souvent sous contrainte. Comme les autres écrivains-reporters, il exploite le sujet de l'enfermement, toujours d'actualité, et décliné de manières différentes. Je m'intéresserai ici aux quartiers réservés, lieux de prostitution surtout féminine qui font l'objet d'un reportage paru en 1934 dans Détective, intitulé « Les rues secrètes [1] ». J'effectuerai un rapprochement avec les textes consacrés au bataillon disciplinaire et à la Légion, univers exclusivement masculins. « Un mois avec la Légion étrangère [2] » est paru en 1930 dans Le Petit Journal et « Le Bataillon de la mauvaise chance [3] » en 1933 dans Gringoire.

Le reportage lui-même s'enferme ainsi dans certains codes : faisant de l'enfermement un topos, il repose sur la distinction entre un observateur ouvert à l'inconnu et un observé représentatif d'un type. Ce faisant, il tend à consolider des clichés et des stéréotypes, figeant ou enfermant les individus dans des rôles prédéfinis. Dans la mesure où le reportage s'avère un discours constituant, c'est-à-dire un discours qui se constitue en thématisant sa propre constitution, il nous faudra articuler l'enfermement comme sujet du reportage et comme processus de construction et de légitimation du genre même du reportage. C'est à l'intérieur d'une certaine scénographie [4] que prennent place les reportages de Mac Orlan sur les lieux d'enfermement.

Après avoir analysé le fonctionnement du lieu commun qu'est l'enfermement dans la littérature de reportage, je montrerai combien l'enfermement est considéré comme une fatalité : les lieux d'enfermement, le ghetto ou le bas-fond, le bordel, le bataillon ou la Légion, sont en fait des espaces gigognes, et il est difficile, voire impossible, d'en sortir. Ainsi, « la chambre du plaisir vénal n'est souvent que l'antichambre de la cellule patibulaire [5] ». Puisque c’est par l’exploration des espaces de claustration et de contraintes que le reportage se constitue, il s'agira d'envisager son fonctionnement, parfois proche d'une lettre ouverte ou d'une tribune, l'ambiguïté du discours et de la posture qui l'engendre.


Des lieux clos et marginaux : un passage obligé du reportage de l'entre-deux-guerres


Les Juifs de Londres qui se pressent dans « le fameux ghetto de Whitechapel [6] », les pauvres qui ne sortent guère des bas-fonds, les bataillonnaires et les légionnaires cantonnés au fond du désert, et les prostituées dans des « quartiers réservés [7] », sont autant de figures qui hantent les articles de Mac Orlan. L'exploration de ces lieux d'enfermement, qui correspondent à autant de marges sociales, cède le pas à leur exploitation : en effet, s'ils ne constituent pas de véritables sujets d'actualité, ils appartiennent au domaine de l'actualité « tiède », et donnent lieu à des récits à la fois exotiques et pathétiques. Les bas-fonds sont ainsi arpentés par Kessel [8], ou par Orwell qui expérimente « la dèche à Paris et à Londres [9] », mais aussi par Cendrars dans son Panorama de la pègre [10]. La prostitution est l'objet des reportages de Londres sur la traite des blanches, ou de Maryse Choisy dont l'enquête sur les filles publiques fait pendant à celle qu'elle a effectué, se déguisant en hommes, parmi les religieux du mont Athos [11]. Le sujet militaire, enfin, est aussi beaucoup étudié : Mac Orlan ne cesse de renvoyer, par exemple, à l'enquête de Marcel Montarron sur l'armée française au Maroc, dont il a rédigé la préface [12].

Si je dis que Mac Orlan exploite plus qu'il n'explore ces lieux clos, c'est qu'il n'hésite pas, selon une pratique courante à l'époque (mais cela a-t-il changé ?), à recycler ses papiers : ainsi, il opère des coupes dans le chapitre 5 du Bataillon de la mauvaise chance afin de le publier, sous cette forme résumée, dans le premier numéro d'Audaces [13]  le chapitre « Quartiers réservés » de Légionnaires, lui, est étayé afin de constituer, dans Rues secrètes, le chapitre sur Bousbir. L'exploitation journalistique du sujet que constituent les lieux d'enfermement confine le reporter à la répétition : véritable écriture de genre, l'écriture de l'exploration des lieux d'enfermement suit toujours le même scénario. Le reportage, qui prend place dans une logique du spectaculaire et de l'inouï, est plutôt le lieu du déjà-vu ou du déjà-dit.

Cette écriture de genre s'accompagne de la mise en place d'une scénographie : le reporter est celui qui outrepasse la limite, ou fait le truchement, entre deux espaces – celui, ouvert, du journal sur le monde, et celui, fermé, de la marge. Le reportage met constamment en scène cet effet de seuil : ainsi, le reportage que Mac Orlan effectue sur les bas-fonds de Berlin en 1932 pour Paris-Soir, en même temps que Kessel pour Le Matin, fabrique du spectaculaire via un usage un peu lourd du superlatif : « il s'agit pour moi de pénétrer dans le domaine le plus secret et le plus sensible d'un peuple, celui de la misère [14]. » Si l'on s'intéresse plus particulièrement au cas de la prostitution et à ses lieux de prédilection (la maison close et le quartier réservé), on peut voir que l'effet de seuil fonctionne à plein, au service d'une valorisation du reporter, du journal, et de la presse de manière plus générale. La une de Détective affirme ainsi que « 1934 ouvre ses yeux inquiets, affolés » sur un monde en mutation, et c'est dans un halo de lumière qu'apparaît le titre du reportage de Mac Orlan sur la prostitution. Ce dispositif discursif joue sur le contraste au moyen de l'image et du texte  la photographie qui représente les prostituées dénudées du quartier réservé de Gabès est ainsi légendée : « Avec leurs fenêtres barricadées de fer, les maisons d'illusion de Tunis ressemblent à des prisons dont les pensionnaires, même jeunes et jolies, ne sont, en effet, que de mornes recluses. » Une autre photographie nous montre le reporter, en complet et casquette, soutenant du regard la dure réalité  le texte qui présente le reporter souligne justement qu' « il a vu sans hypocrisie [15] ».

La représentation de ces « bas-fonds [...] où règne l'amour vénal [16] » oscille entre deux pôles : les quartiers réservés renvoient d'un côté à l'imaginaire de l'enfermement pénitentiaire, de l'autre à l'imaginaire du spectacle, de l'apparence et du jeu. Contrairement à ceux de Barcelone, Marseille, Strasbourg ou Berlin, les quartiers réservés d'Afrique du Nord sont enceints de « hauts murs qui ne permettent aucune évasion »  cette phrase est reprise presque telle quelle au dos du numéro, dans la légende accompagnant la photographie : « tout un quartier de Casablanca, le pittoresque Bousbir, est dédié au culte d'un tyrannique amour. Car ses servantes, parées comme des prêtresses, ne peuvent plus s'évader de ce champ clos. » Le reportage insiste ainsi, assez lourdement, sur l'enfermement. Un réseau de comparaisons se met en place : le bordel est comparé à un couvent païen puis à un « bagne érotique [17] » et, surtout, il peut se confondre avec un baraquement de l'armée. Ainsi, à propos de la Maison Blanche et de la Maison Rose, deux maisons closes qui jouxtent le camp de Gabès, Mac Orlan note :

Ces bordels sont incomparables, tout au moins de l'extérieur. Il leur suffirait de placer une mitrailleuse ou un canon de 37 pour être tout à fait engageants. Ce sont deux cubes de maçonnerie [...] que j'ai souvent confondus avec deux fortins, tels qu'on pouvait les offrir aux disciplinaires avant l'enquête d'Albert Londres [18].

La référence au reportage de Londres [19], sur laquelle on reviendra, sert ici un discours critique. Mais l'ironie, et avec elle l'humour, sont bien présents : les portes de ces quartiers réservés « sont un peu semblables à celles qui défendraient l'entrée d'un Magic-City ou d'un Luna-Park [20] ». En effectuant une comparaison inattendue entre les quartiers réservés et un parc d'attractions, Mac Orlan souligne la place qu'occupent ces lieux clos dans l'économie, et surtout dans la société du spectacle qui est celle de l'entre-deux-guerres.

L'importante iconographie du reportage sur « Les rues secrètes », si elle étanche la soif de connaissance et la curiosité du public, semble une variante d'une mode déjà en vogue au XIXe siècle : le tourisme des bas-fonds est en effet une des modalités du rapport qu'entretient le « monde », et surtout l'élite, avec ses marges. Francis Carco, par exemple, guide Katherine Mansfield et son mari, gens de lettres et aristocrates anglais, dans les quartiers chauds de Paname  Mac Orlan, lui, dénonce le voyeurisme et la vulgarité des touristes : l'Américaine qui souhaite assister à l'union entre un tirailleur sénégalais et une fille, ou l'Européen qui tient des propos racistes et homophobes envers les jeunes danseurs Chleuh sont directement discrédités [21]. Pénétrer dans un lieu clos où sont enfermés des hommes ou des femmes, c'est s'exposer à des risques, aussi ne faut-il pas être un « bleu », ou agir en touriste à la recherche d'exotisme. Dans Le Bataillon de la Mauvaise Chance, justement sous-titré Un civil chez les Joyeux, Mac Orlan se révèle connaisseur des mœurs et du fonctionnement des bataillonnaires et rapporte, à grand renfort d'argot, les propos qu'ils auraient pu tenir à son encontre afin d'en tirer une leçon :

Je savais [...] que les Joyeux auraient pensé de cette façon, en baissant les yeux et sans ouvrir la bouche : « Quel est donc cette bille, ce cavé qui nous baratine avec ses visions. Proposons-lui une belote, un coup de passe et fauchons-lui son fric en lousdé. » Ceci pour vous dire qu'on ne pénètre pas en se dandinant et la bouche en cœur dans le domaine secret de l'âme d'un chasseur d'infanterie légère [22].

Le reporter prend place dans une scénographie particulière : en pénétrant dans des lieux secrets, voire interdits, il brave des dangers. Une des étapes obligées du reportage, c'est de rendre compte des difficultés rencontrées pour pénétrer dans ces lieux clos et mystérieux : Francis Carco, conformément au personnage de mauvais garçon des lettres, révèle dans Prisons de femmes qu'il a falsifié des documents, et qu'il est passé outre certains règlements  Maryse Choisy, pour pénétrer dans le monastère du mont Athos, n'hésite pas à se déguiser en homme  enfin, c'est enfermé dehors que Blaise Cendrars effectue son reportage sur Hollywood, La Mecque du cinéma, l'accès aux studios lui ayant été interdit ! Mac Orlan, lui, ne joue pas sur la dimension romanesque voire rocambolesque du reporter :

Il n'existe que deux manières de pénétrer dans un lieu qui n'est pas public pour le soumettre à une enquête : agir et s'instruire sans le secours d'autrui ou se faire annoncer officiellement en expliquant ce que l'on veut voir et, par la suite, ce que l'on veut faire [23].

Puisque la première manière est jugée « stérile et un peu trop naïve », Mac Orlan reporter apparaît presque toujours accompagné d'un guide, parfois un homme du milieu, mais le plus souvent « quelqu'un de la police [24] ». En tout cas, la présence du guide est l'occasion d'un jeu, d'un clin d’œil au lecteur habitué du genre, et Mac Orlan use ironiquement d'un adverbe, afin de souligner l'artifice du procédé : « Naturellement, comme au début de toutes les explorations de ce genre, un ami m'attendait [25]. »

L'enfermement est ainsi un thème largement exploité par la littérature de reportage : la mise en scène du reporter qui pénètre un milieu marginal, la multiplication des effets de seuil, font des marges un ailleurs exotique. À la suite des travaux de Dominique Kalifa [26], on peut penser que le reportage consolide une vision dominante, qui se confond parfois, mais pas toujours, avec celle de l'ordre moral bourgeois, sous le regard attentif du policier : ces lieux où l'on enferme les marginaux (pauvres, déviants, délinquants ou prostituées) paraissent fonctionner en vase clos, et les individus qui y sont enfermés paraissent ne pas pouvoir en sortir.


Des espaces gigognes, ou la fatalité de l'enfermement


À la lecture des différents reportages de Mac Orlan, ou encore de ses romans, on remarque en effet une continuité au sein de la marginalité  les personnages qu'il met en scène, s'ils ne sortent ni de la misère ni de la marginalité, passent cependant d'espaces clos en espaces clos.

Entre les deux espaces clos que j'ai choisis d'étudier, une circulation s'établit. En effet, « la chambre du plaisir vénal n'est souvent que l'antichambre de la cellule patibulaire [27] ». Cette affirmation, qui prend place au début du reportage de Mac Orlan, est réitérée et développée dans les derniers chapitres : la prostitution n'évoque pas que les « paysages de Cythère, mais, dans une certaine proportion, les routes qui accèdent à toutes les formes du châtiment légal : les prisons, les bagnes et les appareils patibulaires et tranchants [28]. » La métaphore géographique – la route, la chambre – sert ici un propos policier. Le quartier réservé fonctionne comme n'importe quel ghetto : l'enfermement des classes laborieuses, et donc dangereuses, au sein d'un espace facilement contrôlable et mesurable par la police participerait au bien-être social. En effet, l'anecdote de l'arrestation de Klems, qui apparaît à la fois dans Légionnaires et dans Rues secrètes, illustre ce contrôle policier sur un espace et sa population. Le légionnaire Klems déserte pour devenir lieutenant de l'armée d'Abd-el-Krim pendant la guerre du Rif  mais « comme il arrive toujours », il est trahi par une fille publique, qui est, comme toutes ses semblables, une indicatrice [29].

L'anecdote révèle ainsi le « destin » des soldats déserteurs. Enfermés dans une espèce de fatalité, les personnages des romans et reportages de Mac Orlan ne se libèrent jamais, et vont d'un espace clos à un autre. Le reportage de Mac Orlan sur le bataillon d'Afrique a un but explicitement informatif : il ne s'agit pas d'un « bataillon d'hommes punis [30] », ce qui le différencie du bagne militaire interne à l'armée (Biribi), mais ceux qui sont envoyés au Bat'd'Af ont subi une condamnation de 6 mois de prison avant le service. Cependant Mac Orlan ne s'intéresse au mécanisme qui a mené ces représentants de « l'élément populaire de la rue » (i.e. des classes populaires) en prison, et enfin au Bat'd'Af, qu'en renvoyant à un autre reportage, effectué par Louis Roubaud, sur les Colonies Pénitentiaires [31]. Il le résume ainsi :

pour la plupart, enfermés dès l'adolescence, ils ne pénètrent vraiment dans la vie qu'au moment où les portes de la Pénitentiaire s'ouvrent sur un avenir séduisant, mais chargé d'assez d'embûches pour les conduire fatalement à Tataouine [32].

La fatalité conduit les jeunes pénitentiaires vers le Bataillon, et dans ce trajet ils ne font que suivre une ornière, un sillon déjà tracé : ils épousent à la fois le comportement et l'esprit des « anciens », respectant ainsi une espèce de tradition. Alors que le mode de recrutement des bataillonnaires a évolué, « les jeunes hommes qui portent les écussons brodés d'un chiffre de laine violette sont de la même essence que les anciens. Pour cette raison, ils en ont les goûts, les tares, souvent l'énergie, souvent le patriotisme et souvent aussi la ruse et le besoin de mal faire [33]. » Alors même qu'il s'en défend, Mac Orlan cède au cliché facile, enfermant le bataillonnaire dans un type :

Le Joyeux a créé un type assez conventionnel qui n'intervient dans la littérature que sous la forme d'un cliché, très facile à utiliser. […] Il ne faut pas accepter cette image sans réserve. Le Joyeux est certainement le soldat le plus compliqué qui puisse exister. [...] Le Joyeux de la littérature populaire est un soldat fabriqué en studio, un composé de légionnaire et d'homme de la Camise [34].

Le reportage social de Mac Orlan oscille constamment entre une logique distinctive, qui insiste sur la singularité des bataillonnaires, et une logique cohésive, qui noie les individus dans le cliché. À propos des enquêtes sociales, on peut affirmer avec Dominique Kalifa qu' « elles jouent dans l'ordre des représentations un rôle analogue à celui que les institutions d'enfermement – prisons, asiles, hospices, etc. – jouent dans celui des pratiques : rassembler dans un même lieu des populations hétérogènes [35]. »

Dans le cas de la prostitution, la question du déterminisme social est rapidement occultée au profit d'un autre cliché, expression d'un fantasme misogyne couramment admis. Pour Mac Orlan, « ce n'est pas tant la misère que le vice et la fainéantise qui conduisent les filles vers les quartiers réservés [36] »  déjà en 1932, Marcel Montarron affirmait, plein de charité chrétienne, que « toutes ces fillettes [sont] amenées à ce métier soit par instinct, soit par nécessité, en tout cas, parce que le Seigneur l'a voulu ainsi [37]. » En 1933, Mac Orlan essentialise la fille publique, et en fait un portrait à faire pâlir Simone de Beauvoir :

À tout prendre, la prostitution offre à certaines femmes une existence aisée qui convient assez bien à des tempéraments déjà enclins à la débauche. On ne devient pas prostituée. La plupart des prostituées sont vicieuses, les autres n'offrent aucun intérêt, car ce sont des imbéciles [38].

Plus qu'il ne s'enferme dans une attitude misogyne, Mac Orlan propose une vision tragique de l'humanité, où la fatalité sociale s'ajoute à une force presque fantastique  « l'attirance du malheur [39] » est ainsi un « vice » commun aux hommes et aux femmes, respectivement pensés comme soldats et prostituées :

Comment, dira-t-on, des femmes peuvent-elles rêver aux sombres attraits des rues chaudes ? Des hommes rêvent bien aux attraits de la guerre qui sont encore plus sombres. L'attirance du malheur est une des lois étranges de l'humanité [40].

Que l'on soit soldat ou prostituée, en tout cas, il est difficile de sortir de ces lieux d'enfermement que sont les casernes ou les bordels : les récits d'évasion, plus que les histoires d'amour, finissent mal, à l'instar de l'anecdote de Klems. Comme il le note avec fatalisme au début de son reportage sur les quartiers réservés, il est impossible, selon Mac Orlan, de quitter ces « enfers médiocres » une fois qu'on y est enfermé : « il n'y a qu'une manière d'en sortir, c'est de ne point y entrer [41]. » Mais cette affirmation est à nuancer : si les individus semblent damnés, irrécupérables, ils peuvent corriger leur comportement, se reprendre ou se repentir. Cette croyance fondée sur une éthique de la bonne volonté, à l’œuvre aux niveaux politique, juridique et éducatif, et qui préside à la distinction entre les « bons » et les « mauvais » pauvres, est partagée par presque tous les reporters de l'entre-deux-guerres. Mac Orlan, dans les derniers chapitres du Bataillon de la Mauvaise Chance, enjoint ainsi le bataillonnaire à adopter un comportement responsable, à saisir sa chance à la fin de son engagement militaire :

Ah ! Joyeux ! [...] Ce n'est pas pour votre passage au bataillon qu'il faut plaindre la plupart d'entre vous. C'est pour ce que vous avez été et pour ce qui vous attend quand, ayant laissé l'uniforme qui vous protège provisoirement, vous retrouverez l'existence et sa main de plomb qui vous guette avant de vous saisir à la nuque. [...] Le séjour au bataillon qui rompt votre destin en deux parties peut vous laisser une chance de le modifier. [...] Il n'appartient qu'à vous de peser la mauvaise chance, de l'estimer pour sa faiblesse et de vous méfier de vous-même [42].

Ces conseils paternalistes, énoncés sous la forme d'une adresse directe, étonnent le lecteur d'aujourd'hui davantage que les lecteurs de l'époque [43]  leur présence à la fin du reportage étonne d'autant plus le lecteur que Mac Orlan semblait avoir renoncé à les formuler au début de son enquête :

Comme on peut le croire, puisque j'étais venu dans ce but, j'observais ces jeunes hommes avec attention et discrétion. [...] Si j'avais pu, et, surtout, si je n'avais pas su ce que je sais, je leur aurais crié : « Mes braves petits amis, une occasion merveilleuse de sortir de votre sombre prospérité s'offre à vous. Grâce à elle, vous pourrez vous prendre par les cheveux, vous soulever vous-même hors de l'ornière où vous pataugez pour suivre une route nouvelle, plus simple, infiniment plus simple. Ne laissez pas fuir cette occasion ! » J'aurais pu parler ainsi  mais je savais également que les Joyeux auraient pensé de cette façon, en baissant les yeux et sans ouvrir la bouche : « Quelle est donc cette bille, ce cavé qui nous baratine avec ses visions. Proposons-lui une belote, un coup de passe et fauchons-lui son fric en lousdé. [44]»

Deux lectures s'offrent donc à nous : soit Mac Orlan, répétant en fin d'ouvrage un propos qu'il n'a pas osé tenir au début de l'enquête pense que son reportage a ouvert les yeux du lecteur fictif qu'est le Joyeux auquel il s'adresse, soit au contraire ces deux extraits, qui encadrent le reportage, témoignent du manque d'à-propos du reporter, et des limites de son savoir. De même que le soldat est convié à changer une fois son service terminé, la fille peut espérer elle aussi une rédemption. Comme le militaire, c'est à l'occasion d'une « permission » méritée que la métamorphose peut avoir lieu :

Une permission, peut-être (et dans l'avenir), une permission seule, preuve d'une conduite louable leur ouvrira les portes de cette extraordinaire foire lubrique, sonore quand la foule coule, tel un fleuve, sans hâte entre deux rangées de cellules où une fille lumineuse vit de même qu'un ver dans un fruit [45].


Une posture ambiguë : le reportage, lettre ouverte ou lettre morte ?


Le reportage sur l'enfermement, passage obligé de la littérature de reportage, est le lieu où se joue l'identité de l'écrivain-reporter. Héritage de la tradition naturaliste, le reportage se veut une plongée dans ces « enfers médiocres [46] » qui correspondent souvent aux marges de la société. Durant l'entre-deux-guerres, le modèle du reporter est Albert Londres, qui meurt en 1932 alors qu'il revient de Chine. Il a donné ses lettres de noblesse à un genre qui n'est pas encore institué, bien que les avant-gardes, comme Mac Orlan, considèrent que « la littérature de notre époque est une littérature de témoignage et [que] les grands romanciers sont avant tout de grands reporters [47]. » Si Albert Londres compte effectivement parmi les « aventuriers du grand reportage », la posture du reporter redresseur de torts qu'il incarne est rejetée par Mac Orlan :

On peut aller au bagne avec l'espoir de d'aider à la libération d'un innocent. On peut visiter des prisons comme Carco, Roubaud, Londres, Larique et Montarron l'ont fait pour réaliser cet espoir. Ils ont quelquefois réussi. Visiter un bataillon de Joyeux, c'est visiter au grand jour un bataillon quelconque. [...] Il faut aller au bataillon simplement pour y voir des soldats qui possèdent une histoire spéciale qui n'est pas celle d'un autre corps. Et il faut, je crois, se tenir dans les limites de leur vie militaire. Mais avant de déposer sa valise dans une chambre de Tataouine, il faut aussi savoir ce que c'est qu'un Joyeux. Ce n'est pas là qu'on pourra l'apprendre, à moins d'avoir fait son service au bataillon [48].

Le reportage militant est considéré comme une simple possibilité, mais ne constitue pas l'essence du genre. Mac Orlan renvoie ici à des reportages connus de son lectorat, et qui ont aboutit pour la plupart à des décisions gouvernementales. Francis Carco dénonce dans son reportage le système carcéral plus qu'il ne milite pour la libération des détenues : s'il est fasciné par les grandes criminelles, comme Bessarabo, poétesse-criminelle qui a assassiné son mari et a envoyé son corps par la poste, il considère surtout que la prison « accomplissait férocement son œuvre de protection sociale, de destruction humaine et jusqu'à la dernière minute, étouffant sous ses voûtes épaisses, larmes, sanglots, regrets, rappels et désespoirs, n'entrebâillant la lugubre porte des morts que pour faire sortir entre quatre planches la dépouille pitoyable de celles qui, depuis des années, n'avaient plus de vivant que l'apparence tremblante [49] ». Les Enfants de Caïn, du journaliste du Quotidien Louis Roubaud, dénonce aussi l'institution qu'est la colonie pénitentiaire, où ceux qui sont légalement mineurs, parce qu'ils sont pénalement majeurs, purgent des peines dans des conditions déplorables. Suite à ce reportage, un nouveau décret daté du 31 décembre 1927 transforme la colonie de Belle-Île en maison d'éducation surveillée. Dans la brousse avec les évadés du bagne, de Marius Larique, publié en 1933, soit dix ans après l'enquête de Albert Londres sur Cayenne intitulée Au bagne !, contribue à alimenter le débat autour de la question pénitentiaire  le premier gouvernement Herriot propose la fermeture du bagne, et le gouvernement Daladier en 1938 l'obtient  il faudra attendre 1946 pour qu'il soit effectivement fermé. Enfin, l'enquête de Montarron, Ciel de cafard, reprend en partie les descriptions que Londres avait effectuées dans Biribi. Dante n'avait rien vu : la commission d'inspection envoyée par le gouvernement Herriot dès octobre 1924, le rapport qu'elle a rendu et les mesures qu'elle conseille sont peu à peu oubliés, et le reportage de Montarron participe à remettre cette question sur le devant de la scène.

Le reportage militant est ainsi celui qui dénonce un état de fait, des pratiques inhumaines ou immorales, et « le pathos [y] mobilise pleinement les ressources de l'éthos du reporter [50] ». Mac Orlan se place davantage du côté de Blaise Cendrars pour qui « la tâche du reporter n'est pas de résoudre l'énigme du monde mais bien de la révéler et de la délimiter [51]. » Pour reprendre le tour impersonnel dont use Mac Orlan, « il faut » décrire une réalité en étant particulièrement attentif au pittoresque :

Il ne s'agit pas d'entreprendre ici la défense de ces quartiers mal famés qui sont en général assez malsains à tous les points de vue. Ce n'est pas un écrit qui va changer le cours des choses. Il ne s'agit, dans les pages qui suivront, que d'une étude sur le pittoresque humain dont ces quartiers sont le décor [52].

Le reportage selon Mac Orlan n'est donc pas un acte de militantisme mais un simple témoignage  faisant preuve d'une certaine lucidité face à l'efficacité des reportages de ses confrères, Mac Orlan affirme ainsi que, « en bien ou en mal, les livres ne changent rien. Ce sont des témoins, parfois désintéressés, souvent indignés  mais leur action est terriblement provisoire [53]. » Le reportage ouvertement militant, tribune qui interpelle l'opinion publique et en appelle à une action politique, risque selon Mac Orlan de demeurer lettre morte. Le rejet du reportage militant ou partisan s'accompagne en réalité chez Mac Orlan d'une réflexion sur la morale et sur le genre même du reportage. L'indignation, qui se traduit stylistiquement par le pathos, est la posture attendue de la part d'un reporter qui enquête sur les bas-fonds :

Il est à remarquer que dans la plupart des relations de voyage, quand il prend fantaisie à l’auteur de s’égarer dans les mauvais lieux d’une ville, il est traditionnel qu’il se fasse accompagner par un personnage complaisant, pour l’ordinaire assez cynique et qui porte sur ses épaules tout le poids du péché. L’auteur représente la morale, une morale indulgente parfois, mais qui ne manque pas de nous faire part de son indignation et de son écœurement. [...] Je ne manquerai pas de sacrifier à cette coutume [54].

L'auteur fait sien le cynisme du guide : il affirme ici suivre la tradition du genre du récit de voyage, mais au début de son reportage, il garantit « déteste[r] pénétrer en moraliste dans des lieux où les moralistes n'ont que faire. Il n'y a guère de plus affreuse hypocrisie [55]. » Mac Orlan serait-il un reporter hypocrite et cynique, personnage double et trouble, et oscillant, de plus, entre deux identités ? Sa double casquette de romancier et de reporter contribue à renforcer cette paratopie qui est celle de l'écrivain selon Dominique Maingueneau. Le reportage, s'il est le modèle du roman, lui est cependant soumis :

Le roman est la forme la plus naturelle et la plus parfaite des témoignages de notre époque. Il met tout le monde à l'aise. […] Je n'ai pas le droit de transmettre au public les avis de Pierre ou de Jean, puisque Jean ou Pierre ne m'en ont pas donné l'autorisation. Au surplus, le récit direct ne signifie pas grand-chose. Il est bon d'entendre et encore mieux de contrôler [56].

Le reportage, genre en constitution pendant l'entre-deux-guerres, s'ouvre sur le roman et la fiction à la fois pour des questions de droit, une meilleure efficacité, ainsi que pour éviter l'écueil de l'épuisement. En effet, les lieux d'enfermements sont étroits, et se ressemblent tous : comme l'affirme le reporter, « en une heure ou en un an on a tout vu, c'est-à-dire tout au point de vue strictement militaire [57]. »

Mac Orlan se place ainsi sous le signe du double. Ses reportages montrent qu'il est difficile, pour un écrivain-reporter français de l'entre-deux-guerres, d'abandonner les représentations et les clichés de son temps, de sa classe et de sa profession [58]. Il tient ainsi un double discours et adopte une posture ambiguë. Le Maghreb, ainsi, est l'Ailleurs radical : « il n'y a pas de morale au soleil, la morale, celle qui est la nôtre, est une création de pays tempéré », peut-on lire dans Le Bataillon de la Mauvaise Chance [59]. Mais dans la mesure où il écrit ses reportages, totalement ou en partie, de retour en Seine-et-Marne, à Saint-Cyr-sur-Morin, la morale occidentale semble reprendre le dessus : les bataillonnaires demeurent de mauvais sujets incorrigibles, et les prostituées des « larves de la destruction sociale [60] ».

Le reporter ne se défait ainsi qu'en apparence du poids de la morale sociale dominante. De même, Mac Orlan ne parvient pas tout à fait à contenir son reportage dans les limites du témoignage : sans cesse il déborde du cadre. Certes les reportages militaires ne sont pas l'occasion d'une quelconque dénonciation, mais la critique est cependant présente, sur le mode mineur : s'il loue les qualités des gradés, l'esprit de corps des régiments, s'il insiste sur le fait que ni la Légion ni le Bataillon ne sont des Biribis, il s'interroge sur le fait que les recrues de ces régiments proviennent toutes des bas-fonds de la société. C'est sur ce point que la critique porte : « j'ai toujours pensé que la collectivité n'était pas un remède et qu'il ne suffisait pas de réunir des hommes, même liés par des condamnations, pour les amender [61]. » Mac Orlan prône ainsi un sain mélange entre soldats « réguliers » et bataillonnaires, comme c'était le cas pendant la guerre, dans le 269e régiment avec lequel il combattait. Par ailleurs, l'exploration des quartiers réservés et des maisons closes peut sembler un pied de nez à la morale bourgeoise : dans le dernier reportage de la série parue dans Détective, Mac Orlan revient sur « l'expérience de Strasbourg », ville où, en 1925, les maisons closes ont été fermées. Les arguments de Mac Orlan en faveur de leur réouverture font appel à une « morale publique [62] » : au-delà de la métaphore banale du « corps » social, où les bordels sont vus « comme des abcès naturels et artificiels qui permettent à des agglomérations humaines de se débarrasser de certaines humeurs particulièrement malignes [63] », l'existence de ces lieux clos permettent de faciliter l'action de la police, dont la puissance repose en grande partie sur la délation. C'est à la lumière de ces informations que l'on peut comprendre l'enthousiasme à l’œuvre dans la description de Bousbir, le quartier réservé de Casablanca, qualifié de « propre et gai » dans Rues secrètes et Légionnaires. La description de Bousbir, aménagement public sur le sol d'un protectorat français, est l'occasion de critiquer les décisions politiques des « puritains maigrelets » : « la lutte, mal comprise, contre la prostitution aboutira, si par malheur elle nous impose les dangereuses volontés de la pudeur d'outre-mer, à des monstruosités indescriptibles [64]. » Dans le numéro suivant de Détective, le parallèle établi avec la prohibition étatsunienne sert un autre propos, placé dans la bouche du guide :

Certes, j'admire l'urbanisme de Bousbir, la bonne petite santé de cette ville artificielle. Tout cela est trop beau. Nous nous acheminons à grands pas vers un pittoresque d'hôpital, vers un plaisir aseptisé et fade comme de l'eau bouillie. [...] Il faudra aller chez le pharmacien pour faire l'amour, comme à New-York, m'a-t-on dit, au temps du régime sec, il fallait aller chez eux pour boire un verre de n'importe quoi [65].

Les reportages de Mac Orlan ne sont donc pas militants, mais sont cependant des reportages sociaux  en revanche, la notion de « social » est à lire à l'aune de la théorie du « fantastique social [66] » qu'il développe, et qui justifie le conservatisme de ses positions politique et poétique. En effet, la défense de la prostitution et l'éloge du régiment et de son esprit de corps traduisent l'attachement de Mac Orlan à un certain nombre d'images « sentimentales », ainsi qu'à une tradition. Les reportages de Mac Orlan, comme ses romans, qu'il qualifie d'ailleurs de « reportages sentimentaux [67] », s'intéressent à des espaces en mutation : les trois bataillons qu'avait visités Montarron ont fusionné, et les quartiers réservés et les bas-fonds européens sont victimes de la spéculation immobilière et sont peu à peu détruits. L'exploration de ces lieux d'enfermement – le bataillon, la Légion ou le bordel – n'est d'ailleurs pas nécessaire pour que la dimension poétique, ou ce que l'on pourrait nommer un lyrisme de l'enfermement, se dégage : comme il l'affirme dans Le Bataillon de la Mauvaise Chance, « avant de déposer sa valise dans une chambre de Tataouine, il faut aussi savoir ce que c'est qu'un Joyeux. Ce n'est pas là qu'on pourra l'apprendre, à moins d'avoir fait son service au bataillon [68]. » Le reporter peut donc écrire enfermé dehors, comme Cendrars, enfermé chez lui, comme Mac Orlan au retour de Tataouine  maniant clichés, pensées, images sentimentales et souvenirs littéraires, le reportage de Mac Orlan, ouvert sur le roman, est ainsi bien souvent une œuvre d'imagination. Bien que le reportage ne permette pas de changer le cours des choses, c’est par l’exploration de ces espaces de claustration et de contraintes qu’il se constitue en tant que genre essentiellement ouvert, au-delà du récit de voyage comme de l’essai.


NOTES

[1] Pierre Mac Orlan, « Les Rues secrètes », Détective, 25 janvier-1er mars, 15, 29 mars 1934  ce texte est publié la même année chez Gallimard, avec des ajouts, sous le titre Rues secrètes.

[2] « Un mois avec la Légion étrangère », Le Petit Journal, 14-30 avril et 1er-6 mai 1930  ce texte est publié la même année aux Éditions du Capitole sous le titre Légionnaires.

[3] « Le Bataillon de la mauvaise chance », Gringoire, 9 juin 1933  ce reportage, dont le journal ne donne qu'un extrait, est publié la même année aux Éditions de France.

[4] Dominique Maingueneau, Le Discours littéraire. Paratopie et scène d'énonciation, Paris, Armand-Colin, 2004, p. 193 : « la scénographie apparaît ainsi à la fois comme ce dont vient le discours et ce qu’engendre le discours  elle légitime un énoncé qui, en retour, doit la légitimer, doit établir que cette scénographie dont vient la parole est précisément la scénographie requise pour énoncer comme il convient. »

[5] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes p. 12. Je renvoie, sauf cas contraire, à l'édition des Œuvres complètes de Pierre Mac Orlan, Genève, Le Cercle du Bibliophile, s.d.

[6] « Le fameux ghetto de Whitechapel », Les Annales politiques et littéraires, n° 2219, 3 janvier 1926  le même thème apparaît dans « [Images sur la Tamise] », L'Intransigeant, n° 16305, 27 mars 1925.

[7] « Légionnaires », Le Petit Journal, 14-30 avril, 1er-5 mai 1930  « Le Bataillon de la mauvaise chance », journal inconnu, janvier 1933  « Les rues secrètes », Détective, nos 274-279, 281, 283, 25 janvier-1er mars 1934.

[8] Joseph Kessel, Bas-Fonds, Paris, Édition des Portiques, 1932.

[9] George Orwell, Down and out in Paris and London, Londres, Victor Gollancs, 1933.

[10] Blaise Cendrars, Panorama de la pègre, Grenoble, Arthaud, 1935.

[11] Maryse Choisy, Un mois chez les filles, Paris, Aubier-Montaigne, 1928.

[12] Marcel Montarron, Ciel de cafard, préface de Pierre Mac Orlan, Paris, Gallimard, 1932.

[13] Pierre Mac Orlan, « Carthage », Audaces, 1er juillet 1933.

[14] Pierre Mac Orlan, « L'Allemagne en sursis », in Le Mystère de la Malle n° 1 et autres reportages, p. 161.

[15] Pierre Mac Orlan, « Les rues secrètes », Détective, n° 274.

[16] Idem.

[17] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise chance, p. 34.

[18] Ibid., p. 66-67.

[19] Albert Londres, Biribi. Dante n'avait rien vu, Paris, Albin Michel, 1924.

[20] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes, p. 40.

[21] Ibid., p. 33 et 41.

[22] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 26.

[23] Ibid., p. 43.

[24] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes, p. 55.

[25] Ibid., p. 14.

[26] Dominique Kalifa, Les Bas-fonds. Histoires d'un imaginaire, Paris, Seuil, coll. « L'univers historique », 2013, p. 345.

[27] Pierre Mac Orlan, Ibid., p. 13.

[28] Ibid., p. 134.

[29] Pierre Mac Orlan, Légionnaires, p. 277.

[30] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 146.

[31] Louis Roubaud, Les Enfants de Caïn, Paris, Grasset, 1925.

[32] Pierre Mac Orlan, Ibid., p. 136.

[33] Ibid., p. 102.

[34] Ibid., p. 145-146.

[35] Dominique Kalifa, op. cit., p. 170.

[36] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes, p. 10.

[37] Marcel Montarron, Ciel de cafard, op. cit., p. 78.

[38] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 34.

[39] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes, p. 10. Cette expression, qui renvoie au « goût du malheur » développé par Francis Carco, témoigne en partie de l'influence de Dostoïevski chez les romanciers de l'entre-deux-guerres.

[40] Idem.

[41] Ibid., p. 13.

[42] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 204-205.

[43] André Billy, dans la recension qu'il propose de l'ouvrage de Mac Orlan, est sensible à cette posture moralisatrice qu'adopte l'auteur, et la considère comme normale. André Billy, « Du Sud tunisien au Pacifique », Gringoire, 7 juillet 1933.

[44] Pierre Mac Orlan, Ibid., p. 26.

[45] Ibid., p. 34.

[46] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes, p. 13.

[47] Pierre Mac Orlan, « Le Reportage et l'Aventure », Les Cahiers de Radio-Paris, 15 novembre 1931.

[48] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 139.

[49] Francis Carco, Prisons de femmes (1931), cité par André Négis, Mon ami Carco, Paris, Albin-Michel, 1953, p. 179.

[50] Paul Aron, « Entre journalisme et littérature, l’institution du reportage », COnTEXTES [En ligne], 11 | 2012, mis en ligne le 16 mai 2012, consulté le 05 juin 2013. URL : http://contextes.revues.org/5355  DOI : 10.4000/contextes.5355

[51] Blaise Cendrars, Panorama de la pègre, À bord de Normandie, Chez l'armée anglaise, Articles et reportages, in Tout autour d'aujourd'hui, vol. 13, textes présentés et annotés par Myriam Boucharenc, 2006, p. XXV.

[52] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes, p. 12.

[53] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 41.

[54] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes, p. 62.

[55] Ibid., p. 14.

[56] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 149.

[57] Ibid., p. 138. On retrouve le même constat dans Rues secrètes, p. 119 : « En un quart d'heure, en marchant vite, on peut faire le tour de ce domaine dangereux dont la trace s'efface de jour en nuit sur le plan de la ville. »

[58] Le dialogue avec le guide, dans Rues secrètes, interroge justement le narrateur sur le vocabulaire journalistique et la morale admise  notons que Londres est ici encore vu comme le modèle de l'éthos du reporter : « Qu'est-ce que la dignité de la femme vient faire dans toute cette histoire de bordels ? La femme esclave ! Vous savez cela mieux que moi : ce sont des mots qui font partie de votre métier. J'ai connu M. Albert Londres. C'était un homme franc, qui écrivait ce qu'il pensait, sans se croire obligé d'applaudir aux décisions des philanthropes professionnels qui ne connaissent la vie que par l'intermédiaire des congrès. » Rues secrètes, p. 44.

[59] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 203.

[60] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes, p. 68.

[61] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 107.

[62] Pierre Mac Orlan, Rues secrètes, p. 135.

[63]Idem.

[64] Ibid., p. 29.

[65] Ibid., p. 45.

[66] « La suppression de tout contrôle sur la prostitution lui ferme bien des portes derrière lesquelles la fille n'est qu'un prétexte. Dans le fantastique social de notre temps, la prostitution qui est immense n'est qu'une certaine conséquence du déséquilibre de la pensée, de la fatigue et d'une sorte de désespoir de la bourgeoisie. C'est le client qui crée la fille, et non la fille le client. » Rues secrètes, p. 134.

[67] Dans la préface de 1966 à la réédition de La Vénus Internationale, Mac Orlan affirme que, « la plupart de [ses] romans est une sorte de reportage sentimental sur des époques inachevées ou en gestation. »

[68] Pierre Mac Orlan, Le Bataillon de la Mauvaise Chance, p. 139.


POUR CITER CET ARTICLE

Zacharie Signolesƒ, « L’antichambre de la cellule patibulaire » : imaginaire de l'enfermement dans les reportages de Pierre Mac Orlan », Les Cahiers du Ceracc, nº 8, 2014 [en ligne]. URL : http://www.cahiers-ceracc.fr/signoles.html [Site consulté le DATE].

S’engageant dans le sillon tracé par Albert Londres notamment, les reportages de l’entre-deux-guerres font de l’exploration des marges de la société un passage obligé. L'écrivain-reporter Pierre Mac Orlan n'échappe pas à la règle, et donne à voir deux lieux où l'on enferme les marginaux : la caserne et le bordel. Ces deux espaces fonctionnent en vase clos, et sont liés entre eux comme autant de poupées gigognes. Ainsi, la pègre des bas-fonds fournit le bataillon disciplinaire en nouvelles recrues, et « la chambre du plaisir vénal n’est souvent que l’antichambre de la cellule patibulaire » (Quartiers réservés). La mise en scène du reporter pénétrant dans ces espaces clos et cachés à la vue des lecteurs permet l’élaboration d’une géographie et d’une histoire des enfermements.ƒ€ƒ€

Zacharie SIGNOLES ancien élève de l’École Normale Supérieure de Lyon, agrégé de Lettres Modernes, est actuellement inscrit en deuxième année de doctorat à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3. Il prépare, sous la direction de M. Alain Schaffner, une thèse sur l’écrivain-reporter dans l’entre-deux-guerres, à partir de l’exemple des récits journalistiques et romanesques de Pierre Mac Orlan.











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